À l'occasion du centenaire de sa naissance, Casa África a publié un livre qui révèle la vie courte et intense de ce combattant pour la liberté du Congo, assassiné par ceux qui voulaient continuer à contrôler les minerais de son pays.
J'avais 16 ans et je suivais le cours préuniversitaire (PREU) à l'Instituto de Bachillerato de La Laguna, à Tenerife, lorsque j'ai appris avec stupeur l'assassinat de Patricio Lumumba. Quelques mois plus tôt, les informations internationales nous avaient tous mis en garde contre la révolution cubaine, grâce à une série exceptionnelle d'interviews et d'articles que la journaliste italienne Oriana Fallaci diffusait depuis la Sierra Maestra, nous faisant découvrir les figures de Camilo Cienfuegos, Fidel Castro et Ché Guevara.
Lumumba a également retenu mon attention. Au Congo, un peu plus d'un an après la proclamation de l'indépendance du pays qui était le "verger privé" du roi Léopold II de Belgique (en fait, dans la pratique, la Conférence de Berlin a donné l'ensemble de ce vaste territoire au roi, et non au pays), ceux d'entre nous qui aimaient lire les journaux connaissaient Lumumba, le jeune premier ministre qui a prononcé un discours historique devant le roi Baudouin dans lequel il demandait quelque chose d'aussi simple que les Congolais soient propriétaires et responsables de la destinée de leurs propres ressources naturelles.
À l'époque, nous ne savions pas grand-chose du Congo, mais la mort violente de Lumumba, exécuté sans pitié avec la complicité des Belges, m'a fait prendre conscience de la façon dont les intérêts géopolitiques pouvaient façonner le destin d'un pays lointain.
Cette année, à l'occasion du centenaire de la naissance de l'infortuné politicien congolais, Casa África a pensé qu'il était nécessaire d'ajouter à la rare (pratiquement inexistante) biographie de Lumumba en espagnol un livre sur sa figure. Deux jeunes professeurs de la très africaniste Université de Valladolid, Pablo Arconada et Jara Cuadrado, ont relevé le défi de documenter et de nous montrer, dans un ouvrage académique mais aussi didactique que possible, qui était Patrice Lumumba, comment il a vécu et comment il est mort.
Pablo et Jara étaient à Casa África cette semaine pour présenter le livre. Sa lecture a personnellement ravivé les souvenirs de ma jeunesse, et j'espère que l'initiative de publier ce livre contribuera à maintenir vivante la mémoire historique de qui il était, de comment il a vécu et de ce pour quoi Patrice Lumumba s'est battu.
Le jeune panafricaniste n'a vécu que 31 ans, mais son héritage est immense. Le travail de Jara et Pablo évite la mythification et nous permet de connaître le personnage dans toutes ses lumières et aussi ses ombres. Né dans un milieu rural et modeste, il s'est élevé pour faire partie des "évolués", un groupe privilégié de Congolais éduqués qui acquéraient certains privilèges et des emplois qualifiés. Lumumba est devenu président de l'association des Congolais "évolués", mais pour diverses raisons, sa pensée s'est progressivement orientée vers le nationalisme congolais et le panafricanisme, engagé en faveur de l'indépendance réelle du Congo et d'un désengagement total de la puissance coloniale. Sa vision d'un pays uni, libre et détenteur des ressources naturelles a fait sourciller et s'est heurtée de plein fouet aux intérêts de la Belgique (qui espérait imposer une indépendance graduelle et légère lui permettant de conserver le contrôle économique du pays) et à ceux d'autres puissances occidentales, dont les États-Unis.
Il est le premier ministre du Congo indépendant, mais sa fermeté et son discours réprobateur contre la cruauté du colonialisme belge lui coûtent cher : il est révoqué, arrêté, enlevé et assassiné le 17 janvier 1961, lors d'une opération impliquant les services secrets belges et américains.
Ce livre, que je recommande (Ediciones La Catarata, collection Casa África), est une contribution fondamentale à la compréhension non seulement du caractère, mais aussi de l'histoire complexe du Congo et des mécanismes du colonialisme et, plus tard, du néocolonialisme.
Car il est évident que cet assassinat est le résultat de ses efforts pour assurer la souveraineté économique du Congo, dans un contexte qui a fait de ce pays le premier théâtre de la guerre froide sur le sol africain.
Ses discours enflammés sur la nécessité d'un Congo uni et ses divers clins d'œil à l'Union soviétique ont amené la Belgique et les États-Unis à voir leur contrôle sur les ressources minérales menacé, en particulier dans la riche région du Katanga (que la Belgique avait utilisée pour déclarer sa propre indépendance du Congo, ce qui avait conduit à une guerre civile que Lumumba avait dû réprimer durement en tant que premier ministre).
Et c'est là que se produit le court-circuit, c'est-à-dire le sentiment que 60 ans plus tard, rien ou presque n'a changé dans ce qu'on appelle aujourd'hui la République démocratique du Congo (RDC). Je lisais cette semaine un récent reportage de la Deutsche Welle sur la façon dont les minerais dits critiques (coltan, cobalt ou tungstène, par exemple) continuent d'alimenter les conflits armés en Afrique, et plus particulièrement en RDC.
La RDC est actuellement le premier producteur africain de coltan, un minerai essentiel dont le tantale est dérivé. Avec l'étain (cassitérite) et le tungstène (wolframite), ils forment ce que l'on appelle les "3T", des métaux très demandés pour la fabrication d'appareils électroniques grand public tels que les ordinateurs portables et les smartphones.
Les différends concernant le droit d'exploiter les richesses en coltan de la RDC ont contribué à trois décennies d'instabilité dans l'est du pays, le pillage de ces ressources étant devenu de plus en plus lucratif pour les groupes armés et leurs soutiens internationaux.
Un exemple clé de l'impact actuel est l'insurrection du groupe paramilitaire M23, qui a formé une coalition appelée l'Alliance du fleuve Congo (ARC). Ce groupe serait soutenu par le Rwanda. La lutte pour le contrôle des mines et l'arrêt de la contrebande a intensifié le conflit pour le gouvernement de la RDC. En avril 2024, l'AFC a pris le contrôle du site minier de Rubaya, qui produit entre 20% et 30% du coltan utilisé dans le monde, démontrant ainsi la menace directe qui pèse sur l'économie congolaise et l'approvisionnement mondial.
Ce conflit et la contrebande qui y est associée représentent ce que les Nations unies ont décrit comme "la plus grande contamination des chaînes d'approvisionnement en minerais dans la région des Grands Lacs à ce jour". Les conflits entre le Rwanda et la RDC sont notamment liés à l'exploitation du coltan.
Et pour que vous puissiez constater que les choses n'ont pas tellement changé, je vous rappelle que l'administration Trump continue de vendre l'annonce d'un accord de paix entre le gouvernement congolais et le M23 précité comme un succès pour le président américain (sans aucune cessation des violences à ce jour)... en échange de la garantie de l'accès des États-Unis à ces minerais.
La géopolitique joue un rôle important dans la région aujourd'hui, comme elle l'a fait après l'indépendance du Congo, au point d'exécuter et de tenter de faire tomber Lumumba dans l'oubli. Ils n'ont pas réussi cette deuxième partie, et aujourd'hui Lumumba est, pour les Africains, un mythe de revendication panafricaniste et de lutte contre l'autre colonisation qui persiste, la colonisation économique.
Lisez le livre et vous apprendrez beaucoup de choses, depuis le fait que l'uranium utilisé pour la bombe atomique américaine (le projet Manhattan) provenait du Congo jusqu'au fait que le dictateur cruel et impitoyable qui a gouverné le Congo après un coup d'État, le terrible Mobutu Sese Seko, a voulu s'approprier la figure de Lumumba des années plus tard pour tenter de s'attirer les faveurs de son peuple et de légitimer son propre régime, soutenu dans l'ombre par les États-Unis. Lumumba est devenu un symbole de la lutte anticoloniale et une source d'inspiration pour les mouvements de libération et de justice sociale. Sa mémoire est toujours vivante et nous rappelle que, comme il l'a écrit dans sa puissante lettre d'adieu à sa femme, l'histoire finira par dire la vérité :
"Le jour viendra où l'histoire parlera. Mais ce ne sera pas l'histoire enseignée à Bruxelles, à Paris, à Washington ou aux Nations unies. Ce sera l'histoire enseignée dans les pays qui se seront libérés du colonialisme et de ses marionnettes. L'Afrique écrira sa propre histoire, et au Nord comme au Sud, ce sera une histoire de gloire et de dignité".
Patrice Lumumba
