Le VIIe prix de journalisme Saliou Traoré, décerné par l'agence EFE et Casa África, récompense une œuvre chorale sur la restitution de l'art africain accaparé par les pays occidentaux à l'époque coloniale.
Dimanche dernier, à l'occasion de la commémoration de la Journée de l'Afrique, Casa África et l'Agence EFE ont annoncé la décision du 7ème Prix Saliou Traoré de journalisme en espagnol sur l'Afrique. Ce prix journalistique vise à faire en sorte que les médias de notre pays, et de tous les pays hispanophones, parlent plus et mieux de l'Afrique, avec de nouvelles perspectives qui évitent le stéréotype auquel nous sommes malheureusement habitués : l'Afrique condamnée à la faim, à la guerre, à la misère, à la déraison ou à la corruption.
Ce prix rend hommage à Saliou Traoré, journaliste sénégalais qui a été le correspondant d'EFE au Sénégal pendant près de quatre décennies, la voix de l'Afrique de l'Ouest dans notre pays par l'intermédiaire de la principale agence de presse. Au cours des six éditions précédentes, le prix a récompensé l'excellent travail de journalistes à forte vocation africaniste, tels que José Naranjo, Xavi Aldekoa, Carla Fibla, Agus Morales et Glòria Pallarés. L'année dernière, nous avons décerné un prix à un reportage d'investigation sur le phénomène migratoire réalisé par une journaliste brésilienne d'Associated Press, Renata Brito, et son collègue, également brésilien et photojournaliste, Felipe Dana.
Il y a tout juste une semaine, nous avons réuni le jury du prix pour décider lequel des 21 candidats méritait le septième Saliou Traoré. C'est le magnifique reportage choral "Voyage aux origines africaines des objets volés" de l'équipe de Planeta Futuro du journal El País qui a été récompensé. Cette reconnaissance célèbre non seulement un excellent travail journalistique coordonné par la directrice de Planeta Futuro, Ana Carbajosa, mais souligne également l'urgence du sujet abordé : la restitution de l'art africain pillé pendant la période coloniale.
Je recommande une lecture attentive et distraite de ce gigantesque travail à plusieurs voix, auquel ont participé une douzaine de journalistes, photographes et webdesigners. Car ce voyage proposé par Planeta Futuro se déroule à bord d'une série de pièces d'art africain volées et emportées en Occident pendant la période coloniale.
D'une statue de la déesse camerounaise Ngoonso (au musée de Berlin) au trésor royal d'Abomey (que la France a restitué au Bénin il y a quatre ans), en passant par la célèbre pierre de Rosette des Égyptiens (vedette du British Museum de Londres) ou un tambour parlant d'une grande importance historique pour la Côte d'Ivoire (arraché dans le sang par les Français au début du 20e siècle et toujours au musée du Quai Branly à Paris). Il s'agit de pièces qui ont été volées par des soldats, des missionnaires, des scientifiques et des autorités coloniales et qui sont aujourd'hui exposées en tant qu'œuvres d'art dans des musées européens ou qui sont directement stockées dans un musée qui les considère comme insuffisamment belles ou importantes malgré la valeur historique, symbolique, artistique ou même mystique qui leur est attribuée dans leur pays d'origine.
Ce rapport nous rappelle que le colonialisme était un outil implacable de pillage et de saccage, toujours présent dans nos vies avec des objets célèbres, tels que le plus grand squelette de dinosaure au Musée d'histoire naturelle de Berlin, mais aussi avec des dizaines de milliers d'objets moins connus, grands et petits, qui ont été apportés à l'Ouest.
Un seul chiffre à titre d'exemple : le Musée national du Cameroun possède une collection d'environ 6 000 objets, alors que 40 000 objets camerounais ont été répertoriés rien qu'en Allemagne. Dans le même temps, quelque 40 000 objets camerounais ont été répertoriés rien qu'en Allemagne. Quel est l'intérêt de tout cela ? Une réflexion exceptionnelle m'a marqué à la lecture du rapport : les Allemands se vantent de ne pas avoir voulu profiter du pillage de l'art juif par les nazis, mais ils rechignent à restituer les objets africains obtenus pendant le colonialisme, ce qui montre que le colonialisme est encore perçu comme "une série d'aventures, de voyages ou de conquêtes".
Comme le soulignent les auteurs eux-mêmes (chaque objet fait l'objet d'un rapport signé par des journalistes renommés du monde africaniste tels que José Naranjo, Lola Hierro, Alejandra Agudo, Chema Caballero et Marc Español, entre autres), le rapport est un voyage pour "connaître le sens de ces objets dans leur contexte, celui-là même qu'ils ont perdu lorsqu'ils ont été déplacés à des milliers de kilomètres et interprétés avec un regard étranger".
Ce travail journalistique relie les histoires de ces objets et révèle en même temps pourquoi la restitution de leurs œuvres d'art, de leur passé, est si importante pour les Africains. Car la restitution de ces objets va au-delà d'un simple acte juridique ou diplomatique ; elle constitue un "processus de décolonisation et de justice historique". C'est une reconnaissance éthique que le patrimoine pillé doit être rendu à ceux qui donnent un sens à ces pièces. La soif de restitution n'est pas seulement de récupérer des objets : c'est une réappropriation de leur mémoire, de leur identité et de leur dignité. C'est une revendication de la souveraineté culturelle des peuples africains.
L'attribution du Prix Saliou Traoré à un travail journalistique sur ce thème revêt une importance particulière si l'on considère que l'Union africaine a désigné l'année 2025 comme l'année de la " Justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine par le biais des réparations ". Dans la justification de ce thème à l'époque, l'Union africaine a fait valoir que la restitution du patrimoine spolié est une partie intégrante et visible de cet effort visant à traiter les conséquences des "crimes historiques et des atrocités de masse" commis contre les Africains et les personnes d'ascendance africaine, y compris la colonisation, la traite transatlantique des esclaves, l'apartheid et le génocide.
Les reportages primés de Planète Futur facilitent la compréhension de la restitution par le public, en détaillant les histoires, les perspectives des communautés affectées et les défis de la dévolution. Il humanise le débat et souligne que la justice à travers les réparations est cruciale pour un avenir juste et équitable pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine. Il nous rappelle que la récupération de ces objets permet aux sociétés qui en sont les propriétaires originaux de se réapproprier leur histoire, de la raconter de leur point de vue. Chaque objet restitué transcende sa valeur artistique ou monétaire : il symbolise la résistance, la souffrance et la persévérance de communautés qui voient dans sa restitution une revendication de leur dignité.
Car, comme le souligne justement un archéologue, "la restitution n'est pas seulement le retour physique des objets... mais aussi la capacité des Africains à produire des connaissances sur leur passé". Une phrase qui en rappelle une autre, devenue classique : "Tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, les récits de chasse continueront à glorifier le chasseur".
En fin de compte, la restitution consiste à honorer l'identité de ces peuples et à faire preuve d'un véritable respect pour leurs cultures, en comblant les fossés historiques. Il s'agit d'une étape essentielle pour panser les plaies coloniales, favoriser des relations plus équitables entre les nations et veiller à ce que le patrimoine de l'humanité soit sauvegardé par ceux qui lui ont donné vie et sens.
J'adresse mes plus sincères félicitations à toute l'équipe de Planeta Futuro pour ce prix, que nous remettrons dans la cour de Casa África en octobre, en compagnie du président d'EFE, Miguel Ángel Oliver. Casa África est fière d'avoir promu et maintenu ce prix journalistique, qui vise à stimuler tous les journalistes qui regardent l'Afrique pour faire du journalisme et nous raconter, en espagnol, ce qui se passe sur ce merveilleux continent.